Il y a longtemps, les rennes volaient

Conte de Noël - Par Juliette TOURON

Il y a très longtemps les rennes volaient. Ils avaient deux ailes rousses, ainsi s’élevait dans les airs le traîneau du Père-Noël. Rien de mieux pour fendre les nuages et aller loin, aussi loin que la terre peut porter d’enfants.

Pikoubaya était un beau renne femelle. Née en LAPONIE, elle foulait de ses jeunes sabots la toundra et la verte taïga. La nature lui avait donné une fourrure bien peu épaisse hélas, et elle tremblait souvent de froid.

Elle savait écouter les oreilles tendues le pas menaçant du glouton, l’horrible glouton qui avait dévoré sa maman l’hiver dernier, l’horrible glouton aux 38 dents et au pelage foncé comme la nuit.

Pikoubaya pleurait des larmes gelées et ne pensait qu’à une chose : fuir la Laponie, trouver une prairie où brouter tranquille, sans glouton, et où se chauffer mollement au soleil.

Son amie la mouche Olivette avait installé son hamac entre deux de ses bois, elle passait son temps à tout astiquer, le moindre petit bout de fourrure de Pikoubaya était épousseté, ses bois lustrés brillaient au soleil.

Olivette lui dit un jour :

– Quand tes dagues deviendront de vrais bois et auront fini de grandir, (Olivette les mesurait chaque jour grâce à ses gros yeux magiques capables de compter les cm), alors nous pourrons partir, je connais un pays sans glouton. Ce sera un long voyage, tu devras quitter tes amis…

Il serait difficile de dire adieu à ses copines de traineau et à sa voisine la perdrix blanche. Sans doute.

Mais Pikoubaya rêvait jour et nuit de s’envoler avec Olivette vers un pays chaud et tranquille. Quelle promesse de joie !

Les bois de Pikoubaya poussaient, Olivette du matin au soir s’agitait « Ouste la poussière ! », récurait le moindre carré de peau de son amie afin que les poux n’y installent pas leur nid. Ainsi passaient les aurores boréales et Olivette marmonnait : « Ah quel travail mon Dieu ! Délivrez-nous du mal et des tâches ménagères ! »

Un matin, elle se posa près des yeux encore clos de Pikoubaya.

– On y est mon amie, 30 cm, tu es une grande fille ! Tes bois sont forts et ne craindront pas le vent du Nord, tu es un renne bien solide…

Elle se mit à voleter imitant une toupie en folie, puis s’amusa à piquer du nez comme un avion perdu.

Enfin elle atterrit tout excitée en une glissade non contrôlée sur le museau humide de Pikoubaya :

– Ben alors mon caribou d’amour, on met les bouts ? On se casse ? On s’arrache ?

Pikoubaya en avait tant rêvé qu’elle fut un peu déçue de ne pas ressentir plus de joie. Au fond de son cœur, elle se demandait si sa maman serait fière d’elle.

– Alors tu vas rester à te lamenter comme un sapin sans boules ? Va remettre ta démission au Père-Noël ! Tu verras il va te faire la leçon celui-là : faut être sage, faire le bien, pas avoir les yeux plus gros que le ventre Nia Nia Nia… ne l’écoute pas, reviens vite avant que je trouve un caribou

plus sale à nettoyer !

La nuit polaire était là. Le soleil ne se couchait pas et ne se levait pas. Pikoubaya se concentrait pour choisir une destination sur le globe terrestre. Le monde était si vaste ! Soudain, la lumière de midi fit scintiller un petit point jaune et bleu :

– Une île ! Les habitants s’appellent des Tahitiens. 28° toute l’année ! Le rêve !

– Va falloir te tondre et moi j’aurai moins de boulot ! Allons-y mon caribou d’amour ! Déploie tes ailes rousses  ! Fly you can fly ! comme disait ma mère…

C’est ainsi que Pikoubaya et Olivette quittèrent la Laponie.

Pikoubaya n’aura plus jamais froid ni peur au soleil de Tahiti.

Laisser un commentaire